Droit des marques : les autres possibilités que l’action en contrefaçon ( Cour d’appel de Paris)
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Droit des marques – signes :
les autres possibilités que l’action en contrefaçon
( Cour d’appel de Paris)
Le titulaire d’un signe distinctif peut agir en justice sur différents fondements juridiques rappelle un arrêt du 3 mai 2017 la cour d’appel de Paris.
Les signes distinctifs (nom commercial & NDD) (…) retenus par la Cour d’appel de Paris.
Une société anciennement membre d’un Groupement d’Intérêt Economique (GIE) dénommée Five Auction dont la dissolution entraîna la transmission universelle de son patrimoine à son associé unique, non membre du GIE Five Auction, à savoir la société Alcopa Auction.
Lors d’une recherche sur un moteur de recherche avec pour requête « Five Auction » un lien commercial vers le site exploité par la société concurrente Alcopa Auction, apparaissait accompagné d’un message indiquant que « Five Auction devient Alcopa Ventes aux Enchères de Véhicules ».
Un appel a été interjeté par le GIE Five Auction et ses membres déboutés de leurs demandes par le tribunal de commerce de Paris.
L’appel visait à faire juger et condamner les actes de concurrence déloyale, de parasitisme ainsi que les pratiques commerciales trompeuses de son cooccurrent la société Alcopa Auction.
La cour d’appel a fait droit à l’essentiel des demandes des appelants notamment sur le fondement de la concurrence déloyale.
- Sur la concurrence déloyale et le risque de confusion pour l’internaute retenu par la Cour
L’utilisation dans le service Adwords d’un moteur de recherche d’un signe distinctif par un concurrent à titre de mot-clef causant l’affichage d’une annonce sur la même page internet que le concurrent n’est pas en soit illicite.
Cependant, lorsqu’il s’accompagne d’actes déloyaux de nature à générer un risque de confusion pour l’internaute normalement informé et d’attention moyenne l’exploitant du nom commercial ou du nom de domaine disposera alors d’un droit personnel en réparation sur le fondement de l’ancien article 1382 du code civil devenu l’article 1240 du code civil.
En l’espèce, le moteur de recherche affichait l’annonce « Five Auction devient Alcopa Auction Ventes aux enchères », présentant cette dernière comme la nouvelle dénomination du GIE Five Auction causant un risque de confusion pour l’internaute normalement informé.
Par ailleurs, tout mot correspondant aux différents sites des appelants créait une confusion pour l’internaute d’attention moyenne et normalement informé en renvoyant au site de la société Alcopa Auction.
La cour d’appel a retenu l’existence d’acte de concurrence déloyale commis par Alcopa Auction afin de s’approprier le prestige et de l’image du GIE Five Auction.
- Sur les pratiques commerciales trompeuses retenues par Cour
Vu l’article L. 121-1 du Code de la consommation, une pratique commerciale peut s’avérer trompeuse si elle créé une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commerciale ou un autre signe distinctif d’un concurrent, lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur.
De fait, la mention : « Five Auction devient Alcopa Aution Ventes aux Enchères de Véhicules » vers lequel l’internaute était renvoyé, démontrait une volonté caractérisée d’induire en erreur le consommateur.
L’existence de pratiques commerciales trompeuses a été retenue par la cour d’appel.
En conséquence, un signe distinctif peut être protégé aussi bien sur le fondement du droit des marques, de la concurrence déloyale, du parasitisme ou encore sur le fondement d’une pratique commerciale trompeuse, et ce dès lors qu’il est enregistré pour une dénomination totalement ou partiellement semblable en tant que marque, dénomination sociale, nom commercial et enseigne commerciale.
Les appelants revendiquaient en plus des droits privatifs sur la dénomination litigieuse distincts des droits portant sur la marque, des droits sur la dénomination sociale et le nom commercial.
Selon eux, la dénomination litigieuse correspondait à la dénomination sociale et au nom commercial du GIE « Five Auction » ainsi que de ses trois membres.
C’est pourquoi, les appelants ont agit sur le fondement de la concurrence déloyale et le parasitisme ainsi que sur le fondement de pratiques commerciales trompeuses, et non le droit des marques.
La cour d’appel a estimé que le choix des appelants de ne pas attraire la partie adverse sur le fondement de la protection de la marque ne saurait être interprétée comme une renonciation à faire valoir leurs droits en matière de concurrence déloyale.
Ainsi, lorsque les conditions seront réunies, le titulaire d’un signe peut être utilisé par une entreprise à différents titres (marque, dénomination sociale…) et pourra agir pour le protéger en choisissant en justice parmi différentes actions sur des fondements distincts, relevant à la fois du Code de la propriété intellectuelle, du Code de la consommation et du Code civil.
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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 5 – Chambre 4 ARRÊT DU 3 MAI 2017 (n° , 10 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 14/21219
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2014 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2014004312
APPELANTES
Inscrite au RCS d’ARRAS sous le XXX ayant son siège XXX
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ( …) prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège inscrite au RCS d’EVRY sous le XXX
ayant son siège ( …) prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
INTIMÉE
SAS X AUCTION ayant son siège XXX
N° SIRET : 538 309 063 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 8 Mars 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Z A, Présidente, chargée du rapport et Monsieur François THOMAS, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Z A, Présidente de chambre, rédacteur
Madame B C D, Conseillère
Monsieur François THOMAS, Conseiller
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Z A dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : M. Vincent BRÉANT ARRÊT :
— contradictoire,
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Madame Z A, Présidente et par Madame Clémentine GLEMET, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
XXX a pour activité principale le groupement de moyens, outils et ressources humaines pour faciliter la gestion interne de ses membres.
Le groupement a également pour mission de constituer une plateforme administrative en vue de la promotion des biens meubles, objets des ventes volontaires. Il est actuellement constitué de trois membres, les sociétés XXX.
L’activité principale de ses membres est l’estimation de biens mobiliers et l’organisation et la réalisation de ventes volontaires de véhicules d’occasion, aux enchères publiques sur différents sites en France, et par le biais du site internet www.fiveauction.fr.
La société X Auction (ci-après « la société X ») est une société immatriculée le 30 novembre 2011, active dans la vente aux enchères de véhicules.
En décembre 2010, le XXX était constitué des quatre sociétés suivantes : Five Auction Bethune Valenciennes, XXX
Le 4 février 2013, l’associé unique de la société SVV Enchères Autos Five Auction Tours, la société X, a décidé la transmission universelle de son patrimoine à son profit. Cette société a été dissoute par anticipation sans liquidation, cette dissolution ayant entraîné la transmission universelle de son patrimoine au profit de la société X. Celle-ci n’est pas membre du XXX.
XXX soutient avoir constaté qu’une requête « Five Auction » effectuée avec le moteur de recherche Google.fr déclenchait, par la mise en ‘uvre du service de référencement Google Adwords, l’affichage d’un lien commercial vers le site exploité par la société X, accompagné du message suivant : « Five Auction devient X Auction Ventes aux enchères de Véhicules ». Deux constats d’huissier ont été dressés les 5 et 6 novembre 2013.
Le 8 novembre 2013, le conseil du XXX a mis en demeure la société X de cesser de pratiquer les liens sponsorisés sur Google redirigeant le consommateur vers le site X Auction, ainsi que de cesser l’exploitation des termes « Five Auction ».
Suite à cette lettre, l’annonce litigieuse a cessé. Cependant, le XXX soutient que l’information contenue dans cette annonce perdurerait encore sur internet.
XXX a adressé une nouvelle mise en demeure à X le 18 novembre 2013, aux fins de publication d’un communiqué sur son site internet et du paiement d’une indemnité transactionnelle, pour l’indemniser de la confusion née de la diffusion de l’information prétendument erronée.
Le 16 janvier 2014, le XXX et ses trois sociétés membres, les sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, XXX, ont assigné à bref délai la société X Auction devant le tribunal de commerce de Paris, sur le fondement de l’article 1382 du code civil, soutenant que celle-ci avait commis des actes de concurrence déloyale et des pratiques déloyales trompeuses envers le XXX.
Par jugement en date du 29 septembre 2014, le tribunal de commerce de Paris a :
— dit la défenderesse recevable mais mal fondée en sa fin de non-recevoir,
— dit que les sociétés XXX avaient intérêt à agir et que leur action était recevable,
— débouté les demanderesses de toutes leurs demandes,
— condamné le XXX à payer à X la somme de 13 555 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— débouté la défenderesse de ses demandes autres, plus amples ou contraires,
— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
— condamné le XXX aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe.
La cour,
Vu l’appel interjeté par le XXX et les sociétés XXX et leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 10 février 2017, par lesquelles il est demandé à la cour de :
— confirmer les dispositions du jugement entrepris en ce qu’il s’est déclaré compétent et a débouté la société X Auction de sa fin de non-recevoir,
— infirmer le jugement en ce qu’il a débouté le groupement d’intérêt économique Five Auction et les sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, XXX de leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale et les pratiques commerciales trompeuses,
en conséquence,
— dire et juger que la société X Auction a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
— dire et juger que la société X Auction a commis des pratiques commerciales trompeuses,
— interdire à la société X Auction d’utiliser, reproduire, ou imiter sous toutes ses formes la dénomination Five Auction et à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 500 euros par jours par infraction constatée,
— condamner la société X Auction à verser au groupement d’intérêt économique Five Auction et aux sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, XXX la somme de 150 000 euros au titre du préjudice subi en raison des actes de concurrence déloyale et des pratiques commerciales trompeuses,
— condamner la société X Auction à verser au groupement d’intérêt économique Five Auction et aux sociétés Five Auction Bethune Valenciennes, XXX la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, – ordonner à la société X Auction la publication de l’intégralité du dispositif de l’arrêt à intervenir sur la page d’accueil de son site internet www.X-auction.fr/ pendant trois mois à compter du délibéré et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard,
— ordonner à la société X Auction la publication d’une annonce rectificative à intervenir sur la page d’accueil de son site internet www.X-auction.fr/ pendant six mois à compter du délibéré et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard,
— condamner la société X Auction aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 17 mars 2015 par la société X Auction, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :
— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les sociétés XXX de l’ensemble de leurs demandes,
— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté X Auction de sa demande au titre de la procédure abusive et le réformant,
— constater que les sociétés XXX ont introduit leur action puis ont interjeté appel de mauvaise foi et avec une légèreté blâmable,
— dire et juger que l’action intentée par les sociétés XXX est abusive,
— condamner solidairement les sociétés XXX à verser à la société X Auction la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice découlant du caractère abusif de la procédure intentée à son encontre,
— condamner solidairement les sociétés XXX à verser à la société X Auction la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner solidairement les sociétés XXX aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Pascale Flauraud, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
SUR CE,
Sur les actes allégués de concurrence déloyale et de parasitisme imputables à la société X
XXX prétendent que l’annonce commerciale publiée par la société X sur son site, annonçant « Five Auction devient X Ventes aux Enchères de Véhicules », peut s’interpréter, par le consommateur, comme signifiant que le XXX n’aurait plus d’existence sous cette dénomination précise, et que c’est désormais sous la dénomination X Auction qu’il exercerait son activité. Cette annonce commerciale entraînerait ainsi une confusion dans l’esprit du consommateur.
Les appelants soutiennent que cette confusion est aggravée par le fait que le moteur de recherche Google, par le biais de liens sponsorisés, redirige le consommateur vers le site de la société X lorsqu’il entre des mots clés liés à Five Auction.
Les appelants contestent également le fait que le rachat des titres de la société SVV Enchères Autos Five Auction Tours par la société X Auction permettait à cette dernière d’utiliser la dénomination Five Auction. Tout au plus, slon les appelants, la transmission universelle du patrimoine pourrait-elle permettre à la société X d’utiliser le nom « Five Auction Tours », mais pas la dénomination « Five Auction », qui entraîne une confusion dans l’esprit de l’internaute.
Les appelants affirment que la poursuite de l’utilisation de la dénomination « Five Auction » jusqu’à quatre ans après le rachat démontrerait la volonté de la société X Auction de créer une confusion dans l’esprit des consommateurs. Les actes de la société X ne résulteraient donc pas d’une négligence de sa part.
Les appelants soutiennent également que le tribunal a outrepassé sa compétence en ce qu’il a statué sur les questions afférentes au droit des marques. En tout état de cause, les appelants affirment qu’il y a en l’espèce atteinte au droit des marques puisqu’une confusion a été créée.
Ils revendiquent en outre des droits privatifs sur la dénomination « Five Auction », distincts des droits portant sur la marque : ils soutiennent que « Five Auction » est la dénomination sociale et le nom commercial du XXX, ainsi que de ses trois sociétés membres.
Or, ils font valoir que, d’après la jurisprudence, l’utilisation de la dénomination sociale et du nom commercial d’un concurrent dans une annonce publicitaire suscite un risque de confusion sanctionné sur le fondement de la concurrence déloyale. La reprise du nom commercial et de l’enseigne d’un concurrent constitue également un acte de parasitisme.
Les appelants soutiennent enfin que la confusion est corroborée par les pièces versées au débat, notamment la production d’un chèque libellé à l’ordre de la société X mais adressé à son destinataire réel (le XXX) et l’article du journal La Nouvelle République en date du 14 mai 2013.
La société X, intimée, soutient qu’elle n’a commis aucune faute.
Elle fait valoir qu’elle n’a jamais utilisé la dénomination « Five Auction » sur son site Internet : l’information litigieuse selon laquelle le XXX aurait été racheté par X n’aurait jamais été publiée sur le site X.
Elle soutient qu’il est possible d’utiliser le nom d’un concurrent dans les référencements de mots-clés sur Internet, sans qu’une mesure d’interdiction générale ne puisse être obtenue judiciairement ; telle serait la solution adoptée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 23 mars 2010) et la Cour de cassation (Cass. 29 janvier 2013).
La société X affirme qu’en tout état de cause, l’utilisation des mots-clés « Five Auction » dans l’annonce Google Adwords litigieuse (liens sponsorisés) n’a créé aucun risque de confusion. La société X aurait simplement mis en ligne une annonce Google Adwords dirigée vers sa page d’accueil faisant mention d’une information exacte, à savoir qu’elle avait procédé au rachat d’une société dont la dénomination et le nom commercial étaient composés du signe « Five Auction », sans jamais indiquer avoir racheté le GIE dans son ensemble.
Par ailleurs, l’utilisation des mots-clés « Five Auction » aurait été rendue licite du fait du rachat par X de la société SVV Enchères Auto Five Auction Tours : la société X soutient que la transmission universelle de patrimoine englobe la dénomination et le nom commercial de la société absorbée, en tant que droits extrapatrimoniaux, et donc l’usage des termes « Five » et « Auction ». En outre, la société X soutient que le risque de confusion entre la société X et le XXX ou ses membres ne résulte d’aucun élément du dossier imputable à X : le chèque et l’article de presse auxquels les appelantes font référence seraient dépourvus de valeur probante en ce qui concerne la présente action.
Elle fait également valoir que, contrairement à ce que les intimées affirment, le tribunal n’a pas jugé que les droits privatifs attachés à la marque Five Auction ont été enfreints, celui-ci n’étant pas saisi de cette question.
Enfin, la société X soutient que la nouvelle pièce versée en appel par les appelants, à savoir la copie d’un email adressé par la société X à ses clients, démontrerait au contraire l’absence totale de confusion possible entre la société X et les appelantes.
L’exploitant d’un nom commercial ou d’un nom de domaine dispose, sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du code civil, d’un droit personnel à réparation des conséquences dommageables de comportements illicites de tiers, créant dans l’esprit du public un risque de confusion et constitutifs de pratiques de concurrence déloyale.
L’utilisation d’un signe distinctif par un concurrent comme mot-clés dans le service Adwords de la société Google et qui a pour effet de provoquer l’affichage d’une annonce sur la même page Internet que le concurrent, n’est pas en soi illicite, si elle n’est accompagnée d’aucun acte déloyal.
En revanche, si cette utilisation est de nature à générer un risque de confusion pour l’internaute normalement informé et d’attention moyenne effectuant une recherche sur les produits semblablement commercialisés par les sociétés protagonistes exerçant dans un contexte économique de libre concurrence, elle est susceptible de revêtir la qualification de concurrence déloyale.
Le GIE et les sociétés membres utilisent la dénomination « Five Auction » dans le cadre de leur activité commerciale à titre de dénomination sociale, d’enseigne et/ou de nom commercial. Les termes « Five Auction » désignent en effet : la dénomination sociale et le nom commercial du GIE Five Option, l’enseigne et le nom commercial des sociétés XXX, et, enfin, une partie de la dénomination sociale ainsi que l’enseigne et le nom commercial de la société Five Auction Bethune Valenciennes.
Il résulte de deux constats, effectués les 5 et 6 novembre 2013 par la SCP Meurillon, Boullier et Duflos, huissiers de justice à Y, que le moteur de recherche Google affichait l’annonce commerciale suivante, lorsque les termes « Five Auction » étaient recherchés : « Five auction devient X Auction Ventes aux Enchères de Véhicules ».
La dénomination « Five Auction » était également reprise dans le lien URL de l’annonce : « www.X-auction.fr/Five-Auction ».
Les mêmes constatations étaient effectuées en tapant sur le moteur de recherche Google les mots clefs suivants et correspondant aux différents sites d’enchères des appelants : « five auction béthune », « five auction ste geneviève des bois », « five auction marseille », « five auction le mans », « five auction saint die » et « five auction labouheyre ».
Il résulte de ces constatations que l’internaute recherchant le site du XXX, à l’aide du mot clé « Five Auction » se trouvait dirigé sur une page où figurait, en première ligne des annonces commerciales, le site de la société X, avec la mention « Five Auction devient X Auction Vente aux Enchères de Véhicules » et l’indications d’un lien comportant encore la mention « Five Auction ».
Un internaute normalement informé et d’attention moyenne effectuant une recherche sur les services du XXX se trouvait donc orienté vers le site d’X, présentée comme la nouvelle dénomination du XXX ou la société continuant son activité.
La circonstance que le lien commercial conduisant au site du GIE soit présent sur la page d’affichage, en dessous du lien commercial orientant vers la société X et que le site d’X ne contienne en lui-même aucune mention de « Five Auction » ne permettait pas à l’internaute de se rendre compte du caractère distinct des deux personnes morales concernées. Dès lors, en se raccordant au site d’X, il pensait être connecté au site du GIE. Cette confusion ne pouvait qu’être renforcée par les autres mots-clés concernant les autres membres du GIE.
Cette pratique a donc indûment avantagé la société X dans la concurrence, car elle était de nature à détourner des clients des services commercialisés par le GIE au profit de la société X. Elle est constitutive de concurrence déloyale.
La société X prétend qu’elle pouvait légitimement revendiquer la phrase litigieuse, ayant repris les droits et obligations de l’ancien partenaire du GIE, la société SVV Enchères Auto Five Auction Tours, et qu’elle pouvait le mot-clé « Five Auction » contenu dans la dénomination de cette société.
Mais à supposer que la transmission du patrimoine de la société SVV Enchères Auto Five Auction Tours à la société X ait comporté la transmission de la dénomination de cette société, qui a été dissoute, la société X ne pouvait ignorer que la société Enchères Auto Five Auction Tours, dont elle était l’actionnaire majoritaire avant février 2013, était un ancien membre du XXX et que la dénomination raccourcie utilisée par elle, « Five Auction », allait induire un risque de confusion, alors qu’elle aurait pu reprendre la dénomination entières de « SVV Enchères Auto Five Auction Tours ».
De la sorte, la société X pouvait s’approprier le prestige et l’image du XXX auquel elle n’adhérait pas et dont la société Enchères Auto Five Auction Tours avait démissionné avant son rachat, selon les dires de l’intimée.
Si la société X prétend qu’il ne s’agissait pour elle que d’informer le public de ce rachat, elle n’en était pas moins tenue à une obligation de loyauté. Par ailleurs, la persistance de l’utilisation de la dénomination litigieuse sur son site lui-même, près de quatre ans après le rachat des titres de la société SVV Enchères Auto Five Auction Tours, alors qu’il n’y avait plus lieu d’informer le public de cette cession, témoigne de la vanité de cet argument.
Contrairement aux énonciations du jugement entrepris, l’abstention des appelantes à avoir attrait la société X sur le fondement de la protection de la marque ne saurait être interprétée comme une renonciation à faire valoir leurs droits en matière de concurrence déloyale.
Les sociétés appelantes illustrent la confusion créée dans l’esprit des internautes par la pratique de concurrence déloyale en versant aux débats un chèque libellé à l’ordre de la société X Auction (pièce 7 des appelantes), en règlement d’une facture émise par la société Five Auction Béthune (pièce 8). Ce chèque a été signé le 12 novembre 2013, pendant la période d’exposition de l’annonce litigieuse, soit selon l’intimée, du 4 au 14 novembre 2013.
Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.
- Sur le parasitisme
Cette demande de qualification relative à la même pratique, étant insuffisamment documentée, ne peut être examinée par la cour, qui ne dispose pas des éléments nécessaires pour statuer.
Sur les pratiques commerciales trompeuses de la société X
Les appelants soutiennent que, conformément à la jurisprudence, l’utilisation du nom commercial et de l’enseigne, à l’identique, d’une société concurrente pour déclencher à son profit une annonce publicitaire en ligne et créer une confusion sur l’origine des produits et services, est constitutive de pratiques commerciales trompeuses. E n affirmant avoir racheté Five Auction et en créant une confusion avec son concurrent, la société X a volontairement induit le consommateur en erreur, qui pouvait légitimement penser que Five Auction n’existait plus sous cette dénomination mais sous celle d’X.
La société X ne répond pas aux allégations de pratiques commerciales trompeuses formulées par les appelants.
Selon l’article L121-1 du code de la consommation : « I.-Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes : 1° Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d’un concurrent ; 2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants : (‘) ; f) L’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel (…) ».
En affirmant avoir racheté Five Auction et créant ainsi une confusion avec son concurrent, la société X Auction a volontairement induit le consommateur en erreur, qui pouvait légitimement penser que Five Auction n’existait plus sous cette dénomination, mais sous celle d’X Auction, en raison notamment du message litigieux dépourvu de toute ambiguïté : « Five auction devient X Auction Ventes aux Enchères de Véhicules ». volonté d’induire le consommateur en erreur est également démontrée par la campagne électronique faite par le service client d’X Auction auprès de ses clients et prospects, le 13 février 2013. Dans un message électronique du 13 février 2013, en effet, ce service client a adressé aux clients et prospects une publicité afférente à son nouveau site internet et en précisant le rachat de Five Auction Tours : « Five Action Tours devient X Auction ‘ X Auction & Five Auction Vous souhaitent la bienvenue sur leur nouveau site internet ! » (pèce 14 des appelants).
Ces pratiques sont donc susceptibles d’avoir altéré de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard des services de vente mobilière de la société X.
Il y a donc lieu d’infirmer le jugement entrepris également sur ce point.
Sur le préjudice subi par le XXX et par ses sociétés membres du fait des pratiques de concurrence déloyale et des pratiques commerciales trompeuses
- Sur les dommages-intérêts
Les appelantes soutiennent qu’elles ont subi un préjudice consistant en la perte d’une partie de leur clientèle, qui s’est directement adressée à la société X pour procéder à des ventes aux enchères en ligne. Au titre de la concurrence déloyale, elles avancent qu’elles ont subi un trouble commercial, se matérialisant par l’atteinte portée à leur enseigne. Au titre des pratiques commerciales trompeuses, leur préjudice serait lié à l’altération du comportement des consommateurs du fait des pratiques.
Mais si un préjudice au moins moral s’infère nécessairement de pratiques de concurrence déloyale, il appartient à la victime de fournir des éléments d’évaluation de son préjudice.
Or, la société X relève à juste titre que les demandes d’indemnisation du XXX et de ses membres ne sont pas justifiées, les appelantes ne produisant aucun document permettant d’établir le niveau de leurs chiffres d’affaires et leurs résultats nets, afin d’apprécier leurs situations financières respectives.
La société X doit également être approuvée en ce qu’elle souligne que la demande de dommages-intérêts de 150 000 euros effectuée par les appelantes représente près de la moitié de son résultat net sur l’année 2012 et plus du double du résultat réalisé au titre de l’année 2013. De plus, la société X fait valoir que l’annonce litigieuse n’a été visible que pendant 10 jours, du 4 au 14 novembre 2013, et n’a généré que 393 clics, représentant uniquement 0,01% du trafic enregistré sur son site Internet.
S’il convient de souligner que la confusion entretenue dans l’esprit du consommateur a duré plus que 10 jours, puisque la diffusion du message par le service client est datée de février 2013, au vu des éléments rappelés ci-dessus, il y a lieu de condamner la société X à payer aux appelantes la somme de 25 000 euros à titre de réparation.
Sur les demandes de publication
Le préjudice des appelantes étant suffisamment réparé par le versement de dommages-intérêts, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes de publication de la société Five Auction et de ses sociétés membres.
Sur la demande de réparation au titre de la procédure abusive formulée par la société X
La société X réitère sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive, soutenant qu’elle serait victime d’un acharnement procédural. Les appelantes auraient, de mauvaise foi, sollicité l’autorisation d’assigner la société X à bref délai, prétextant l’urgence, laquelle serait totalement absente en l’espèce.
Les appelantes auraient également, de mauvaise foi, omis d’indiquer au juge de première instance que la société X avait effectivement fait l’acquisition et absorbé la société Five Auction Tours. Elles auraient également fait preuve de mauvaise foi à plusieurs reprises dans leurs écritures en appel. Enfin, elles demandent la réparation d’un préjudice sans apporter la moindre preuve du dommage allégué.
Ces agissements auraient causé un préjudice à la société X, qui affirme avoir dû engager des frais pour sa défense, ainsi que consacrer du temps et de l’énergie à ce contentieux au lieu de le consacrer au développement de la société.
Mais, le droit à un juge constituant un droit fondamental, l’exercice d’une action en justice ne dégénère en abus que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équivalente à un dol.
En l’espèce, l’action n’était manifestement pas vouée à l’échec et ne traduit pas l’intention de nuire des appelantes.
Cette demande sera donc rejetée.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a dit que le XXX et les sociétés XXX avaient intérêt à agir et que leur action était recevable,
Et en ce qu’il a rejeté la demande de la société X pour procédure abusive,
Et statuant à nouveau,
DIT que la société X a commis à l’encontre du XXX et des sociétés XXX des pratiques de concurrence déloyale et des pratiques commerciales trompeuses,
LA CONDAMNE en conséquence à leur payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts,
DÉBOUTE le XXX et les sociétés XXX du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE la société X aux dépens de première instance et d’appel,
CONDAMNE la société X à payer au XXX et aux sociétés XXX la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente
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