Cryptomonnaie et Impôts : que dit la loi ? ( bitcoin….)
LEGAL-SCOPE |LOGO © www.legal-scope.fr 15.03.2018 • Mis à jour le 15.03.2018 / publié par la rédaction.
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Impôts et crypto : ( bitcoin….) :
que dit la loi ?
Conseil d’État, 8ème – 3ème chambres réunies, 26/04/2018, 417809, Publié au recueil Lebon
Conseil d’État – 8ème – 3ème chambres réunies
République Française. Liberté, Égalité, Fraternité.
N° 417809
ECLI:FR:CECHR:2018:417809.20180426
Publié au recueil Lebon
Lecture du jeudi 26 avril 2018
Rapporteur
M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville
Rapporteur public
M. Romain Victor
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Statuant sur requête portant notamment sur une question prioritaire de constitutionnalité enregistrée le 31 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. F…G…, le Conseil d’Etat a décidé :
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
– la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
– le code civil ;
– le code de commerce, notamment son article L. 110-1 ;
– le code général des impôts, notamment ses articles 34, 92 et 150 UA ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville, auditeur,
– les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes visées ci-dessus présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Le paragraphe n° 1080 des commentaires administratifs publiés le 11 juillet 2014 au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) – impôts sous la référence BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40, repris à l’identique dans la version de ces mêmes commentaires publiée le 3 février 2016 seule visée par les requérants dans le dernier état de leurs écritures, énonce que : ” Le bitcoin est une unité de compte virtuelle stockée sur un support électronique permettant à une communauté d’utilisateurs d’échanger entre eux des biens et services sans recourir à une monnaie ayant cours légal. / Les bitcoins sont acquis soit gratuitement en contrepartie d’une participation au fonctionnement du système, soit à titre onéreux sur des plates-formes internet créées afin de permettre l’achat et la vente de bitcoins contre de la monnaie ayant cours légal.
L’émission du nombre de bitcoins étant limitée et déterminée, leur acquisition en vue de leur revente procède d’une intention spéculative. Les produits tirés de cette activité, lorsqu’elle est exercée à titre occasionnel, sont des revenus relevant des prévisions de l’article 92 du code général des impôts.
Il est précisé que les gains sont imposables, quelle que soit la nature des biens ou valeurs contre lesquels les bitcoins sont échangés (échange des bitcoins contre des euros, mais aussi achats de biens de toute nature réglés par des bitcoins : dans ce cas, le gain doit être déterminé par référence à la valeur en euros du bien acquis) / Remarque : Si l’activité est exercée à titre habituel, elle relève du régime des bénéfices industriels et commerciaux (BOI-BIC-CHAMP-60-50 au XXIX § 730 et suivants). Les critères d’exercice habituel ou occasionnel de l’activité résultent de l’examen, au cas par cas, des circonstances de fait dans lesquelles les opérations d’achat et de revente sont réalisées (les délais séparant les dates d’achat et de revente, le nombre de bitcoins vendus, les conditions de leur acquisition, etc.) “.
Voir aussi : Quel avocat DROIT DES AFFAIRES à Paris ?
3. Le paragraphe n° 730 des commentaires administratifs publiés le 11 juillet 2014 au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) – impôts sous la référence BOI-BIC-CHAMP-60-50 énonce que : ” Le bitcoin est une unité de compte virtuelle qui peut être valorisée et utilisée comme outil spéculatif. / Par conséquent, conformément aux dispositions de l’article L. 110-1 du code de commerce qui répute acte de commerce toute acquisition de biens meubles aux fins de les revendre, l’achat-revente de bitcoins exercée à titre habituel et pour son propre compte constitue une activité commerciale par nature dont les revenus sont à déclarer dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) en application de l’article 34 du CGI. / En revanche, les produits tirés de cette activité à titre occasionnel sont des revenus relevant des prévisions de l’article 92 du CGI (BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40 au XXIX § 1080). Exemple : (…) “.
Voir aussi : Créer sa société : quelles formalités sont indispensables ?
4. Les requérants demandent l’annulation pour excès de pouvoir des énonciations contenues dans ces paragraphes ainsi que de ” l’actualité ” du 11 juillet 2014 par laquelle la direction générale des finances publiques a fait connaître l’insertion au BOFIP de ces paragraphes.
Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre ” l’actualité ” du 11 juillet 2014 :
5. L’information donnée sous l’intitulé ” d’actualité ” sur le portail internet de la direction générale des finances publiques a pour seul objet d’informer les contribuables de modifications ou de mises à jour intervenues dans des commentaires administratifs publiés au BOFiP – impôts, dont les références sont indiquées et qui sont rendues accessibles au moyen d’un lien hypertexte. Une telle ” actualité ” ne contient, par elle-même, aucune disposition impérative à caractère général et n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Par suite, les conclusions des requérants dirigées contre cette ” actualité ” sont irrecevables.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée sous le n° 417809 :
6. Aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : ” Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) “. Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu’elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
Voir aussi : Créer sa société : quelles formalités sont indispensables ?
7. M. G…soutient que les dispositions combinées des articles 34 du code général des impôts et L. 110-1 du code de commerce, si elles doivent être interprétées comme permettant d’assujettir à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux les gains issus de cessions de ” bitcoins “ dès lors que ces cessions revêtent un caractère habituel, méconnaissent les principes d’égalité devant la loi fiscale et devant les charges publiques, tels qu’ils découlent des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, du fait de la différence de traitement fiscal, non justifiée par une différence de situation, qu’elles prévoient par rapport à celui des valeurs mobilières et droits sociaux.
8. Aux termes de l’article L. 110-1 du code de commerce : ” La loi répute actes de commerce : / 1° Tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en oeuvre (…) ” et en vertu de l’article 34 du code général des impôts : ” sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l’application de l’impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l’exercice d’une profession commerciale, industrielle ou artisanale (…) “.
Voir aussi : l’INPI devient l’opérateur du Guichet unique des formalités d’entreprises
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Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si l’accomplissement habituel d’opérations ayant le caractère d’actes de commerce, tels que l’achat en vue de la revente de biens meubles, caractérise l’exercice d’une profession commerciale dont les bénéfices sont, sauf disposition législative spécifique, soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application de l’article 34 du code général des impôts, le seul fait de procéder à la vente de biens meubles, fût-ce de manière répétée, ne suffit pas à traduire l’exercice d’une telle profession lorsque ces biens n’ont pas été acquis en vue de leur revente.
Voir aussi : Créer sa société : quelles formalités sont indispensables ?
9. En premier lieu, il découle de ce qui précède que le requérant n’est pas fondé à soutenir que l’article 34 du code général des impôts, combiné avec l’article L. 110-1 du code de commerce, permettrait l’imposition, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des gains de cession de biens meubles, tels que des unités de ” bitcoin “, dès lors que les opérations de cession de ces biens revêtent un caractère habituel, indépendamment de toute intention lucrative.
10. En second lieu, si les profits tirés de la cession de biens meubles dans des conditions caractérisant l’exercice d’une activité professionnelle, au sens rappelé au point 8, sont, en principe, soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux tandis que, par exception, en vertu des dispositions du 1° du 2 de l’article 92 du code général des impôts, les produits des opérations de bourse effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations sont imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, il était loisible au législateur, sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi fiscale et le principe d’égalité devant les charges publiques, de qualifier, et partant d’imposer, différemment les revenus tirés des deux activités précitées, pour tenir compte des différences de nature entre les biens faisant l’objet d’échanges sur un marché boursier, notamment les valeurs mobilières, droits sociaux et titres assimilés, d’une part, et les autres biens meubles, d’autre part.
Voir aussi : Quel avocat DROIT DES AFFAIRES à Paris ?
11. Il suit de là que la question soulevée par M.G…, qui n’est pas nouvelle, est dépourvue de caractère sérieux. Il n’y a ainsi pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
Sur les conclusions dirigées contre le paragraphe n° 1080 des commentaires administratifs publiés au BOFiP – impôts le 3 février 2016 sous la référence BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40 et contre les paragraphes n° 730 et 740 des commentaires administratifs publiés le 11 juillet 2014 au BOFiP – impôts sous la référence BOI-BIC-CHAMP-60-50 :
12.Aux termes de l’article 150 UA du code général des impôts : ” I. -Sous réserve des dispositions de l’article 150 VI et de celles qui sont propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux de biens meubles ou de droits relatifs à ces biens, par des personnes physiques, domiciliées en France au sens de l’article 4 B, ou des sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 quinquies dont le siège est situé en France, sont passibles de l’impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. / II.-Les dispositions du I ne s’appliquent pas : / (…) 2° Aux meubles, autres que les métaux précieux mentionnés au 1° du I de l’article 150 VI, dont le prix de cession est inférieur ou égal à 5 000 “. Aux termes de l’article 92 du code général des impôts : ” Sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices (…) de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus “.
Voir aussi : Créer sa société : quelles formalités sont indispensables ?
13. L’article 516 du code civil dispose que : ” Tous les biens sont meubles ou immeubles “. Les unités de ” bitcoin ” ne relevant pas de la catégorie des biens immeubles, au sens de cet article, et ayant ainsi la nature de biens meubles incorporels, l’imposition des profits tirés de leur cession par des particuliers relève, en principe, des dispositions de l’article 150 UA précité. Il n’en va autrement que lorsque les opérations de cession, eu égard aux circonstances dans lesquelles elles interviennent, entrent dans le champ de dispositions relatives à d’autres catégories de revenus.
Voir aussi : l’INPI devient l’opérateur du Guichet unique des formalités d’entreprises
14. Les gains issus d’une opération de cession, le cas échéant unique, d’unités de ” bitcoin ” sont ainsi susceptibles d’être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux dans la mesure où ils ne constituent pas un gain en capital résultant d’une opération de placement mais sont la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement de ce système d’unité de compte virtuelle. Par ailleurs, ainsi qu’il a été dit au point 8, les gains provenant de la cession, à titre habituel, d’unités de ” bitcoin ” acquises en vue de leur revente, y compris lorsque la cession prend la forme d’un échange contre un autre bien meuble, dans des conditions caractérisant l’exercice d’une profession commerciale, sont imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
15. Il résulte de ce qui précède qu’en indiquant, de manière générale, que les produits tirés de la cession à titre occasionnel d’unités de ” bitcoin ” sont des revenus relevant des prévisions de l’article 92 du code général des impôts, sans restreindre l’application de ces dispositions aux cas rappelés au point 14, les commentaires attaqués méconnaissent les dispositions des articles 92 et 150 UA du code général des impôts. En revanche, en énonçant que les profits tirés de l’exercice habituel d’une activité de cession d’unités de ” bitcoin ” acquises en vue de leur revente, y compris lorsque la cession prend la forme d’un échange contre un autre bien meuble, sont imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, les commentaires attaqués ne méconnaissent pas, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions des articles 34 du code général des impôts et L. 110-1 du code de commerce.
16. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l’annulation du troisième alinéa du paragraphe n° 730 des commentaires administratifs publiés le 11 juillet 2014 au BOFiP – impôts sous la référence BOI-BIC-CHAMP-60-50 et que M. G… est fondé à demander, en outre, l’annulation de la deuxième phrase du troisième alinéa du paragraphe n° 1080 des commentaires administratifs publiés le 3 février 2016 au BOFiP – Impôts sous la référence BOI- BNC-CHAMP-10-10-20-40. Le surplus des conclusions des requêtes doit, en revanche, être rejeté.
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce de mettre à la charge de l’Etat la somme de 500 euros à verser à chacun des requérants au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
————–
Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.G….
Article 2 : Le troisième alinéa du paragraphe n° 730 des commentaires administratifs publiés le 11 juillet 2014 au bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) – impôts sous la référence BOI-BIC-CHAMP-60-50 ainsi que la deuxième phrase du troisième alinéa du paragraphe n° 1080 des commentaires administratifs publiés le 3 février 2016 au BOFiP – Impôts sous la référence BOI- BNC-CHAMP-10-10-20-40 sont annulés.
Article 3 : L’Etat versera la somme de 500 euros à chacun des requérants au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des requêtes est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à MM. XXX et au ministre de l’action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.
2018:417809.20180426
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