Contrefaçon de marque : le délai de prescription ne peut courir à compter du simple dépôt du signe ? ( Cassation)
Arrêt n° 878 du 8 juin 2017 (15-21.357) – Cour de cassation – Chambre commerciale, financière et économique -ECLI:FR:CCASS:2017:CO00878
LEGAL-SCOPE |LOGO © www.legal-Scope.fr 21.11.2017 • Mis à jour le 21.11.2017 / publié par la rédaction.
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Rejet
Demandeur(s) : la société Château cheval blanc, société civile
Défendeur(s) : la société Chaussée, exploitation agricole à responsabilité limitée, et autre
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Cheval blanc, devenue Château cheval blanc (la société Cheval blanc), que sur le pourvoi incident relevé par M. X… et l’EARL Chaussié, anciennement dénommée l’EARL Chaussié de Cheval blanc (la société Chaussié) ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 5 mai 2015), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 7 janvier 2014, pourvoi n° 12-28.041), que la société Cheval blanc, titulaire de la marque semi-figurative « cheval blanc » n° 1 301 809, déposée le 9 juin 1933 et régulièrement renouvelée depuis pour désigner des vins, a assigné, le 11 avril 2008, M. X… et la société Chaussié, laquelle exploite une propriété viticole à …., en annulation, notamment, de la marque nominative « domaine du Cheval blanc » n° 1 291 368 et de la marque figurative n° 03 3 205 896 représentant une tête de cheval harnachée, déposées respectivement le 18 juillet 1973 et le 24 janvier 2003 pour désigner des vins d’appellation d’origine provenant de l’exploitation exactement dénommée « domaine de Cheval blanc », ainsi que de la dénomination sociale de la société Chaussié de Cheval blanc, pour déceptivité et, à titre subsidiaire, pour contrefaçon par imitation de sa marque ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Cheval blanc fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande d’annulation de la marque « domaine du Cheval blanc » n° 1 291 368 sur le fondement de la déceptivité alors, selon le moyen :
1°/ qu’en application tant de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1964 que de l’article L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, ne peut bénéficier de la protection du droit des marques un signe qui est intrinsèquement de nature à tromper le public sur les caractéristiques d’un produit ou d’un service ;
que le vice de déceptivité ne peut être purgé ni par le temps ni par l’usage ; qu’il s’en déduit que ce vice doit pouvoir être invoqué par les tiers, à tout moment, tant que le titulaire de la marque maintient son enregistrement en vigueur ; qu’en retenant, en l’espèce, qu’aucune action en nullité fondée sur la nullité de la marque « domaine du Cheval blanc » ne pouvait être intentée plus de trente ans après le dépôt de celle-ci, la cour d’appel a violé les articles susvisés ensemble l’article 2262 ancien du code civil ;
2°/ que le vice de déceptivité correspond à une situation continue qui perdure tant que l’enregistrement de la marque produit ses effets ; que le délai de prescription trentenaire de l’action en nullité fondée sur le caractère déceptif d’une marque ne pouvait, en conséquence, courir tant que le signe litigieux demeurait inscrit au registre national des marques ; qu’en retenant, en l’espèce, que le délai de prescription trentenaire avait commencé à courir dès le dépôt de la marque « domaine du Cheval blanc », effectué en 1973, la cour d’appel a violé les articles 3 de la loi du 31 décembre 1964 et L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle ensemble l’article 2262 ancien du code civil ;
3°/ qu’aucun délai de prescription ne peut courir à compter du simple dépôt du signe, lequel n’est aucunement de nature à porter à la connaissance des tiers l’existence de la marque ; qu’en faisant courir la prescription de la marque dès le dépôt de la marque « domaine du Cheval blanc », effectué en 1973, la cour d’appel a violé les articles 3 de la loi du 31 décembre 1964 et L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle ensemble l’article 2262 ancien du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que le fait que le vice de déceptivité, dont une marque est entachée, ne puisse être purgé ni par l’usage ni par le temps n’est pas de nature à rendre imprescriptible l’action, par voie principale, en nullité de la marque fondée sur ce vice et n’a pas pour effet de suspendre le délai de prescription tant que la marque demeure inscrite au registre national des marques ; que le moyen, qui, en ses deux premières branches, postule le contraire, manque en droit ;
Et attendu, en second lieu, que la société Cheval blanc s’étant bornée, dans ses conclusions d’appel, à soutenir le caractère imprescriptible de l’action, sans discuter, fût-ce à titre subsidiaire, le point de départ du délai de prescription invoqué par M. X… et la société Chaussié, le moyen, qui, en sa troisième branche, soutient que la prescription ne peut courir à compter du simple dépôt du signe, est nouveau, et mélangé de fait et de droit ;
D’où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n’est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen de ce pourvoi :
Attendu que la société Cheval blanc fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes d’expertise et de provision ainsi que ses demandes de publication et de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que l’atteinte portée au droit privatif que constitue la propriété d’une marque cause, en elle-même, nécessairement un préjudice à son titulaire et justifie, à elle seule, l’allocation de dommages-intérêts ;
qu’en relevant, pour écarter les demandes de dommages-intérêts et de publication formées par la société Cheval blanc, que cette société ne justifierait d’aucun préjudice spécifique résultant de l’usage du vocable « cheval blanc » dans la dénomination sociale de la société Chaussié, cependant que les actes de contrefaçon de la marque « cheval blanc », qu’elle a elle-même constatés, avaient nécessairement causé un préjudice à la société Cheval blanc, la cour d’appel a violé l’article L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que le préjudice doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;
que la cour d’appel ayant retenu, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, notamment quant aux situations économiques et financières respectives des parties, que la société Cheval blanc ne justifiait d’aucun préjudice spécifique résultant de l’usage du vocable « cheval blanc » dans la dénomination sociale de la société Chaussié, seul retenu comme constituant une atteinte à son image de marque, qu’elle ne démontrait pas ni même n’alléguait que cet usage avait permis l’enrichissement de M. X… et de la société Chaussié à son détriment et qu’elle n’établissait pas davantage que le caractère distinctif, la notoriété et le prestige de sa marque « cheval blanc » avaient été affaiblis par un tel usage, a pu considérer que l’interdiction faite sous astreinte à M. X… et à la société Chaussié d’employer le vocable « cheval blanc » dans la dénomination sociale de celle-ci sous quelque forme et en quelque lieu que ce soit suffisait à assurer la réparation intégrale du préjudice résultant de la contrefaçon de marque subi par la société Cheval blanc ; que le moyen n’est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
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