Une banque condamnée pour manquement à son devoir de vigilance (l’avocat Nicolas Lecoq Vallon « c’est une décision qui va faire jurisprudence »
LEGAL-SCOPE |LOGO © www.legal-scope.fr 21.03.2022 • Mis à jour le 21.03.2022 / publié par la rédaction.
« c’est une décision
qui va faire jurisprudence »
( Me Nicolas Lecoq Vallon)
L’avocat Nicolas Lecoq Vallon ( Cabinet Lecoq Vallon Feron Poloni) : « C’est la première fois qu’une banque de premier rang est aussi lourdement condamnée en première instance, au civil à Paris, sur une affaire de cette importance qui concerne 400 personnes dans le cadre de action de groupe ( classe action)
La condamnation porte sur un défaut de vigilance de la part de la banque”.
L’avocat Nicolas Lecoq Vallon ajoute ” Le tribunal a été choqué du comportement de la Société Générale qui jusqu’au dernier moment a travaillé avec les auteurs de faits d’escroquerie qui ont pris de l’argent et des frais à de petits investisseurs particuliers et il a fallu qu’un signalement Tracfin extérieur soit déclenché pour qu’il soit mis fin à ces pratiques alors que la société générale faisait elle-même par ailleurs un autre signalement Tracfin pour dénoncer ces mêmes pratiques, ce qui est totalement incohérent.
La présidente du tribunal a reconnu cette incohérence de la part de la banque.
Ce type de décision est assez rare, c’est une décision qui va faire jurisprudence.”
Extrait du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris ‘( Février 2022)
” II – sur le mérite de l’action
A – la faute
Relevant que l’opposition du secret est l’aveu des défenderesses d’avoir tenu les comptes du groupe J.S les investisseurs exposent, quoique n’ayant pas toujours le verso de leurs chèques qui furent encaissés, démontrer, par un faisceau d’indices, cet encaissement sur les comptes de leurs colitigants.
” Les sociétés du groupe XX ne pouvaient pas
procéder à un appel public à l’épargne”
Après avoir rappelé le devoir général de vigilance du banquier lors de l’ouverture et à l’occasion du fonctionnement du compte pour discerner les opérations affectées d’anomalies apparentes, fondé sur les dispositions de l’article 1240, anciennement 1382, du code civil, et le devoir institué, précisément, par les articles L.561-6 et suivants du code monétaire et financier, l’obligeant à un examen renforcé des opérations complexes, inhabituelles ou non justifiées dans le cadre de la lutte contre le blanchiment, ils rappellent, qu’en tout état de cause, il ne peut se prêter au soutien d’activités manifestement illicites ou de nature à causer préjudice aux tiers, même s’il n’a pas à s’immiscer dans les affaires de son client.
Voir aussi : l’INPI devient l’opérateur du Guichet unique des formalités d’entreprises
Ils font valoir qu’ici, d’autant plus que monsieur J.S était surveillé puisque imposé, plusieurs anomalies apparentes se faisaient jour, tenant au nombre très important de mouvements, à la croissance exponentielle du chiffre d’affaires abondé par des chiffres ronds qui ne pouvaient pas figurer le paiement de prestations, à l’absence d’augmentation de capital empêchant qu’il s’agisse d’apports, aux flux non justifiés entre les différentes sociétés du groupe, au défaut d’investissement porté au débit des comptes, puisque ces sommes, au contraire, correspondaient aux dépenses personnelles de monsieur J.S , à d’importants retraits en liquide et servaient de trésorerie aux sociétés du groupe.
Ils observent encore que constituaient des anomalies : l’absence de dépôt des comptes sociaux dès 2012, l’extravagance des documents publicitaires et commerciaux parlant, pour le groupe, d’une représentation internationale bénéficiant de gros moyens, pour les produits, d’une garantie du capital dont le rendement était le doublement sous 18 mois, et d’augmentations, par l’émission d’actions, du capital de sociétés fictives. LEGAL- SCOPE
Les demandeurs soulignent, par ailleurs, la reconnaissance de la Société générale d’avoir connu ces anomalies, dont témoignent d’une part, l’audition de madame XXX, sa préposée, d’autre part, son courrier en juin 2012 sommant monsieur J.S de s’expliquer sur les conditions de son activité. Ils rappellent que l’escroquerie a porté sur des millions d’euros, et a perduré après le signalement fait à Tracfin, y compris au moyen de virements à l’étranger. LEGAL- SCOPE
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Ils relèvent, pour la société Crédit du nord, que 10 comptes étaient ouverts dans ses livres en janvier 2013, notamment au nom des sociétés XX , XX immo IV, XXX, XX immo V et XX , dont elle détenait seule les comptes, où étaient collectés plus de 2 millions d’euros sans justifications.
En réplique aux moyens adverses de ne pas établir quelle est la banque bénéficiaire de chaque investissement, les demandeurs reprochent à la Société générale, première banque du groupe XXX d’avoir laissé prospérer la fraude dont tous les clients de ce groupe ont été victimes, peu important l’établissement ayant encaissé leurs chèques. Ils insistent sur la faute, qui est d’avoir permis la fraude. Au demeurant, ils remarquent que monsieur J.S a exercé son droit au compte pour lui-même et nécessairement ses sociétés, que les comptes ont été ouverts successivement auprès de plusieurs établissements, si bien qu’à une date donnée, il n’y avait qu’un teneur de comptes et que la Société générale a admis, pendant l’instruction, avoir encaissé de nombreux chèques de particuliers sur ses comptes.
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Ils notent que la responsabilité recherchée sur le fondement délictuel ne suppose pas la caractérisation d’un lien conventionnel. Ils signalent, par ailleurs, que d’autres, comme la société CIC Iberbanco, ont été immédiatement alertés par les anomalies des comptes, clos dès qu’ouverts.
Ils considèrent ensuite que les défenderesses ont fait preuve de laxisme face à l’illégalité flagrante des activités des sociétés du groupe XXX, qui, faute d’agrément en qualité de prestataires de services d’investissement nécessaire pour le conseil en matière financière, la réception-transmission d’ordres pour le compte de tiers et la gestion de portefeuille, et sans prospectus, ne pouvaient pas offrir les prestations proposées, participant, toutes, de professions réglementées, alors qu’il appartient au banquier de connaître son client d’emblée et toujours. Ils notent que les banques ne pouvaient pas ignorer la collecte publique de l’épargne et la réception de fonds. Ils estiment qu’elles avaient l’obligation, au titre de leur devoir de vigilance, de vérifier que leurs clients détenaient les agréments
nécessaires.
Ils observent que les sociétés du groupe R ne pouvaient pas procéder à un appel public à l’épargne, par application des articles L.211-1, L.4111, L.412-3 du code monétaire et financier qui empêchent, sauf dans les conditions de l’article L.227-2 du code de commerce qui n’étaient pas remplies, les sociétés par actions simplifiées de faire offre au public de titres financiers, ce que nécessairement les banques savaient.
Ils fustigent encore la violation de l’obligation de ségrégation des actifs, instituée par l’article 322-4 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers, qui contraignait les sociétés du groupe XXX à séparer leurs avoirs propres de ceux de leurs clients. Ils relèvent que les défenderesses n’étaient détentrices d’aucun titre.
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Les demandeurs reprochent enfin aux défenderesses leur défaut de surveillance et de déclaration sur le fondement de la réglementation Tracfin, prévue par les articles L.561-1 et suivants du code monétaire et financier, à laquelle la Société générale a défailli de mai 2010 à janvier 2012, en rappelant que cet établissement a été lourdement condamné pour ses insuffisances par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, en 2017, sous cet aspect.
À titre liminaire, la Société générale oppose aux demandeurs le secret bancaire, et rappelle qu’il leur appartient de faire la preuve des détournements allégués et de l’encaissement dans ses livres des sommes qu’ils ont placées.
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Elle insiste sur la nécessaire démonstration d’avoir investi auprès des sociétés du groupe XX puis de l’inscription au crédit de ses comptes de l’investissement, et qu’à défaut manque le dommage ou le lien. Elle déplore alors la carence probatoire de ses adversaires, qui procèdent essentiellement par affirmations et postulats.
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Elle précise, au regard des pièces issues du dossier pénal versées aux débats, avoir détenu
les comptes des sociétés XXX-groupe holding, Trade énergie, XXX a, RSH conseil, Aqua fonds, en plus du compte personnel de monsieur J.S.
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Au reproche qui lui est adressé de n’avoir pas vérifié les agréments de ces sociétés, elle objecte que sa nécessité ne ressortait pas de leurs statuts, qu’elle ne connaissait pas leur activité réelle et qu’elle n’avait pas à la rechercher. Elle rappelle, aux termes de l’article R.312-2 du code monétaire et financier n’avoir que l’obligation, à l’ouverture du compte, de vérifier l’identité de son titulaire.
Elle considère par ailleurs avoir satisfait à son devoir de vigilance qui l’oblige à discerner les anomalies manifestes, en dépit du principe de nonimmixtion, puisqu’elle les dénonça à Tracfin en janvier 2012. Elle conteste tout défaut à la vigilance, lors de l’ouverture du compte sur injonction de la banque de France, mais précise l’avoir, de ce motif, surveillé de près.
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Elle exprime que les comptes, avant janvier 2012, fonctionnaient normalement, mais indique avoir repéré des paiements concernant potentiellement des dépenses personnelles du dirigeant, des
retraits d’espèces. Elle ajoute avoir constaté de nombreux versements par des particuliers de sommes rondes, en moyenne de 10.000 euros, la conduisant à interroger monsieur J.S
Elle estime que les demandeurs ne démontrent pas sa défaillance après son alerte, et que leurs investissements auraient été détournés du fait de sa réaction supposée tardive. Elle reproche à ses colitigants de ne pas donner le moment précis où elle aurait dû se rendre compte de l’activité illicite des sociétés. Elle dénie la pertinence de la comparaison faite avec son homologue CIC Iberbanco, déjà alertée, et qui recevait, sur ses comptes, plus de 4 millions d’euros en l’espace d’un mois.
En réponse aux objections sur l’interdiction de l’appel public à l’épargne pour les sociétés par actions simplifiées, elle fait valoir n’avoir pas connu l’augmentation de capital qui ne nécessitait pas de diligences particulières de sa part et qu’elle avait pu tenir cette collecte pour des programmes d’investissement, ajoute ne devoir pas s’immiscer dans les affaires de son client, et n’avoir pas à réclamer le prospectus de l’Autorité des marchés financiers.
Elle estime que la preuve n’est pas rapportée des dépenses personnelles de Monsieur . J.S ou de l’absence de tout réinvestissement.
Sur l’absence de cloisonnement des comptes, elle conteste que le groupe XXX ait été teneur de compte- conservateur ni qu’il put l’être au regard des dispositions de l’article L.541-1 du code monétaire et financier. Elle dément avoir connu la collecte de fonds. Elle dément que les sociétés du groupe XX ou les investisseurs aient été propriétaires de titres financiers qui auraient dû être inscrits sur des comptes ad hoc, dont elle aurait assuré la conservation.
Elle rappelle enfin, à propos des articles L.561-1 et suivants du code monétaire et financier, avoir établi une déclaration de soupçon, n’être pas débitrice d’une obligation envers les tiers sur ce fondement et que sa méconnaissance de ces dispositions ne saurait pas entraîner de responsabilité de sa part.
La société Crédit du nord, qui reproche à ses adversaires leur imprécision, leurs postulats et qui relève l’antériorité de la plupart des faits débattus à son intervention en février 2013 en sorte qu’ils ne sauraient pas, en toute hypothèse, lui être imputés, dénie avoir commis une faute dont la preuve n’est pas rapportée.
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Si elle admet que l’ouverture du compte aurait pu lui être imposée par la banque de France, elle conteste qu’il n’en dérive une obligation particulière de surveillance de ce compte, considère que rien n’établit qu’elle n’aurait pas recueilli les renseignements prévus à l’article R.312-2 du code monétaire et financier lors de l’ouverture des comptes, dont elle rappelle n’avoir pas la désignation précise faute pour les demandeurs de spécifier les sociétés concernées.
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Elle dément que les statuts des sociétés dont le nom est énoncé ait pu l’informer qu’elles exerçaient l’activité de conseiller en investissement financier ou de prestataire de service d’investissement, à laquelle ne s’assimile pas le conseil en matière financière. Elle dément avoir été obligée de solliciter, auprès de ses clients, les documents commerciaux de leur activité professionnelle.
Elle précise que les sociétés par actions simplifiées peuvent, sous conditions, procéder à un appel public à l’épargne, que d’ailleurs la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers l’a relevé dans sa décision du 20 mai 2015 prononcée dans l’affaire du groupe XX en déduit que l’anomalie, qui fut décelée après enquête, ne pouvait pas être apparente et que l’offre ainsi faite, à supposer qu’elle ait pu la connaître, ne pouvait pas la convaincre d’une irrégularité.
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Plus généralement, elle rappelle que le banquier n’est tenu que d’un devoir de contrôle superficiel des opérations passées, qu’il n’a pas à procéder à des investigations, ni à s’interroger sur la légalité ou l’opportunité de l’affectation des crédits et que le principe de non- immixtion, au contraire, lui interdit de s’ingérer dans les affaires de son client.LEGAL-SCOPE S’il est tempéré, selon elle, par le devoir de vigilance, toujours estil ue celui-ci suppose seulement, en cas d’anomalie apparente, de tout mettre en œuvre pour éviter le dommage qui pourrait alors résulter de cette opération, pour le client ou les tiers. Elle note qu’en l’occurrence, les anomalies relevées par ses contradicteurs seraient advenues de 2010 à 2012, avant que, selon eux, les sociétés du groupe XX ouvrent des comptes dans ses livres.
Elle observe qu’ils ne démontrent pas leurs assertions de mouvements importants puis exponentiels de chiffres ronds, préfigurant une collecte d’argent, et rappelle qu’elle n’aurait tenu les comptes litigieux que quelques mois.
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Elle constate ensuite, sur la ségrégation des comptes, que la preuve n’est pas rapportée que les sociétés du groupe XXX aient été teneurs de compte-conservateurs. Elle souligne, sur les dépenses, d’ailleurs non établies, n’avoir ni à contrôler leur gestion, ni à s’interroger sur l’origine des fonds.
Elle précise, pour le peu de temps que dura leur relation, n’avoir pas détenu les comptes annuels. Elle ajoute n’avoir pas connu l’alerte faite à Tracfin. Elle conteste que les différentes alertes fassent preuve de l’existence d’anomalies. Elle note qu’au contraire, il fallut des années d’enquête, y voit la confirmation que l’anomalie ne pouvait pas être apparente, d’autant que les autorités publiques ne l’avaient pas avisée de leurs soupçons quand monsieur XXX lui fut imposé.
Elle souligne, sur les obligations instituées par l’article L.561-19 du code monétaire et financier, ne pas pouvoir divulguer d’éléments à ce sujet, mais relève l’existence d’un rapport complémentaire en juillet 2013, qui d’ailleurs, conclut à la nécessité d’une enquête judiciaire pour déterminer le caractère licite ou pas des activités du groupe XXX.
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L’article 1382 ancien du code civil, devenu 1240, dit que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.
Bien que soumis à un devoir de non-ingérence dans les affaires de son client, le banquier teneur de compte est également tenu d’une obligation de vigilance qui lui impose de détecter les anomalies apparentes affectant la relation bancaire, tant lors de l’ouverture du compte qu’en cours de fonctionnement de celui-ci.
1) la Société générale
Il est acquis aux débats que monsieur J.S ouvrit, pour lui-même et plusieurs de ses sociétés, des comptes dans les livres de la Société générale en mai 2010, dont les soldes furent saisis à l’occasion de la procédure pénale le 6 juillet 2012 et qui furent clôturés début octobre.
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L’article R.312-2 du code monétaire et financier, dans sa version issue du décret du 2 septembre 2009, prescrit au banquier, préalablement à l’ouverture d’un compte, de vérifier le domicile et l’identité du postulant, qui est tenu de présenter un document officiel comportant sa photographie.
Le banquier doit recueillir et conserver les informations suivantes : nom, prénoms, date et lieu de naissance du postulant, nature, date et lieu de délivrance du document présenté et nom de l’autorité ou de la personne qui l’a délivré ou authentifié. Pour l’ouverture d’un compte au nom d’une personne morale, le banquier demande la présentation de l’original ou l’expédition ou la copie de tout acte ou extrait de registre officiel datant de moins de trois mois constatant la dénomination, la forme
juridique, l’adresse du siège social et l’identité des dirigeants.
Cela étant, il est obligé de réclamer l’extrait Kbis du registre du commerce et des sociétés pour vérifier l’existence de la personnalité morale acquise par cette inscription.
En revanche, il ne dérive d’aucune directive légale qu’il soit tenu de vérifier d’emblée l’agrément ou les autorisations de son client pour exercer une profession réglementée.
Il s’ensuit que la Société générale n’avait pas à s’en enquérir, ni à le contrôler, ni d’ailleurs à rechercher la profession exercée par monsieur JS ou ses sociétés, et la seule circonstance qu’elle n’y ait pas procédé ne peut être retenue à faute à son encontre.
Voir aussi : l’INPI devient l’opérateur du Guichet unique des formalités d’entreprises
Cela étant, les demandeurs ne produisent pas les extraits du registre du commerce et des sociétés permettant de connaître précisément les activités déclarées à ce registre. Il apparaît, cependant, que la société par actions simplifiées XXX- groupe, qui est la holding du groupe, avait pour objet le « conseil pour les affaires et la gestion, [l’] assistance aux entreprises, [le] conseil en matière financière, [l’] ingénierie, [l’] expertise ».
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Vu ses relevés de comptes hébergés par la Société générale pour la période du 18 mai 2010 au 30 avril 2012, les copies des chèques des particuliers supportant en plus du nom de sa filiale portant l’investissement, son nom, les observations de Tracfin disant que son compte présentait les plus importants mouvements au crédit ainsi que les tableaux annexés des particuliers ayant tiré un chèque à son profit, il s’en déduit que ceux-ci étaient encaissés notamment sur son compte. Or, l’activité ainsi libellée ne se confond pas avec la prestation de service d’investissement et n’exige pas nécessairement un agrément préalable.
En tout état de cause, il est constant que le compte fut ouvert sur injonction de la banque de France, dans l’exercice du droit au compte.
Dès lors, la preuve n’est pas rapportée d’une faute commise par la Société générale lors de l’ouverture du compte.
Ensuite, les demandeurs n’invoquent aucun texte spécifiant que le banquier aurait dû s’enquérir des produits vendus par ces sociétés.
Il ne résulte d’aucun principe qu’il aurait dû s’intéresser aux affaires de son client dont il ne tenait que le compte, et notamment s’aviser de ses comptes sociaux, de sa présentation, de ses diffusions. La seule circonstance de ne l’avoir pas fait ne peut pas être constitutive d’une faute.
Si les demandeurs font valoir que les comptes présentaient de nombreux mouvements ayant porté au crédit 9 millions d’euros, en sommes rondes issues du paiement de particuliers, et que le chiffre d’affaires était ainsi exponentiel, il convient de préciser que ne sont versés aux débats que les relevés du compte à vue de la société faîtière XX-groupe de mai 2010 à avril 2012, de nature à le démontrer. Ce compte a été analysé par Tracfin.
À la lecture des relevés, il apparaît que le 18 mai 2010, le solde était nul, puis qu’il fut abondé, vu les numéros des comptes listés par Tracfin ou le libellé des opérations, par des virements de ses filiales, dont la régularité coïncidait avec l’épuisement du solde, qu’ainsi une remise de chèque de 200.000 euros fut faite le 15 juillet 2010, la suivante de 10.000 euros n’intervenant qu’en août 2011, ayant même obligé plus tard à la revente d’actifs monétaires.
Ensuite, le compte était crédité d’un chèque d’un montant rond en septembre 2011, de 4 en octobre, 8 en novembre, une centaine en décembre 2011.
Les assertions des demandeurs sur le fonctionnement du crédit du compte ne se sont donc avérées qu’au mois de décembre 2011, mais manquent en fait pour la période antérieure.
S’agissant des débits, considérés par les investisseurs comme les dépenses personnelles de monsieur J. S sans investissement, il s’observe sur ces relevés de comptes jusqu’à l’automne 2011 de nombreuses dépenses de faibles montants, des retraits d’argent, de nombreux virements de faibles montants. On voit également que plusieurs effets remis étaient rejetés par la Société générale pour « endos absent ou irrégulier », pour un montant supérieur à 100.000 euros, en 5 jours, du 22 au 26 décembre 2011.
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Il est acquis aux débats que la Société générale déposait une déclaration de soupçon auprès de Tracfin en janvier 2012. Il est donc constant que le compte, à ce moment-là, était affecté d’une anomalie apparente qu’avait discernée le banquier et son immixtion, non critiquée, justifie suffisamment qu’il était obligé.
Par ailleurs, dans son analyse de cette période jusqu’au mois d’avril 2012 inclus, le rapport Tracfin met en exergue, s’agissant de ce compte, que le total des sommes portées au crédit dépasse 9 millions d’euros, que la Décision du 17 Février 2022 majorité des flux est constituée de la remise de chèques de particuliers libellés en sommes rondes allant de 1.000 à 150.000 euros, que les débits évoquent des dépenses de la vie courante : locations de voiture, parking, restaurants, abonnement à une chaîne à péages, que des virements sont adressés à des particuliers, dont les patronymes sont ceux des émetteurs des chèques remis, que 118.000 euros ont été retirés en numéraire, à Paris, à Nice dont monsieur XXX est originaire, à Ajaccio. Il note que seuls quelques virements sont destinés aux filiales.
De l’analyse moins détaillée du compte de la société XX hébergé à la Société générale, ce service déduit n’y avoir pas eu d’investissement dans le domaine photovoltaïque dont la société s’occupe et que les débits du compte évoquent des dépenses personnelles, dont 19.810 euros retirés en numéraire. Il précise que les crédits résultent pour partie de la remise de chèques par des particuliers, qu’une augmentation de capital fut décidée par une assemblée du 2 avril 2010 et qu’ensuite, en dépit de flux similaires, aucune assemblée générale n’est venue sanctionner une autre augmentation de capital.
Il procède à l’analyse succincte du compte de la société XX ia, hébergé à la Société générale, qui a pour objet la production d’électricité, qui ouvert en février 2011 n’a commencé à fonctionner qu’en mars 2012, en recevant notamment des chèques de particuliers.
Il note que le compte de la société RSH conseil, hébergé à la Société générale est débité de dépenses personnelles et virements à des particuliers dont le nom figure sur les virements adressés à la holding.
Le compte de la société Aqua-fonds et celui, personnel, de monsieur J.S également hébergés à la Société générale ne présentent pas de particularités, selon Tracfin.
Il ne s’évince pas de ce rapport la preuve suffisante de la manifestation d’une anomalie, avant le mois de décembre 2011.
Par ailleurs, ce rapport parle encore du site internet du groupe XX faisant usage du logo de la Société générale sans son accord, et dit qu’il présentait en qualité de conseillers en investissement financier des personnes qui n’étaient pas répertoriées par l’Autorité des marchés financiers.
Si la banque n’est, par principe, pas tenue de procéder à des vérifications particulières, il n’en va pas de même au cas d’anomalies portées à sa connaissance justifiant l’exécution de son obligation générale de vigilance, et elle doit, en ce cas, s’alarmer, s’interroger sur les activités de son client, éventuellement approfondir ses investigations, et opposer, le cas échéant, le refus de son concours.
Ainsi, dès lors qu’en janvier 2012, la Société générale était convaincue de l’anormalité des flux, elle aurait dû interroger son client sur l’activité de ses sociétés. Elle pouvait sans retard consulter le site internet du groupe XXX ce qui lui aurait permis de constater qu’il agissait frauduleusement sous couvert de son propre logo, présenté faussement en garantie du sérieux de l’entreprise, ou, en vérifiant auprès du site public de l’Autorité des marchés financiers, que les personnes présentées par le groupe XXX en qualité de conseillers en investissement financier ne l’étaient pas.
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Elle n’aurait pu ignorer, ce faisant, qu’il avait une activité de placements financiers, pouvant relever d’une profession réglementée, d’autant qu’elle détenait déjà nécessairement les extraits Kbis la renseignant sur l’activité de ces sociétés et que l’extrait Kbis de la société XXX groupe mentionnait une activité financière.
Elle interrogea au demeurant monsieur J.S par lettre recommandée du 12 juin 2012, après s’être entretenue avec lui, selon les termes de ce courrier, plusieurs fois sous ces aspects. La responsable de l’agence, madame Sophie Chan, lorsqu’elle fut entendue par le juge d’instruction, exprime par ailleurs l’avoir sollicité dès avril 2012.
Cependant, il lui appartenait d’effectuer des diligences immédiates après la découverte des anomalies apparentes. Or ici, le compte de la société faîtière, en janvier 2012, était abondé par de nombreux chèques de particuliers sur une très brève période, contenant des sommes rondes, souvent similaires, d’une ou plusieurs dizaines de milliers d’euros, parfois moins.
Ces chèques étaient émis aux noms de deux bénéficiaires conduisant, le cas échéant, à la confusion non justifiée des patrimoines de la filiale et de la holding et portant l’information d’un investissement par leur libellé « XXX » ou « XXX ». Elle avait elle-même rejeté plusieurs chèques d’un total d’environ 100.000 euros faute d’endos régulier en quelques jours.
Elle ne pouvait que s’apercevoir que la nature des débits du compte attirait la méfiance, vu leurs libellés, leurs montants, le retrait d’espèces faute de refléter nécessairement l’activité professionnelle ou patrimoniale d’une holding.
Elle ne pouvait pas ignorer qu’auparavant, le crédit du compte était abondé de manière sporadique seulement quand le solde s’épuisait, ce qui alarmait sur la réalité de l’activité. De la sorte, ces anomalies pouvaient raisonnablement lui laisser à penser que la fraude était commise au détriment des émetteurs de chèques encaissés sur ce compte, et elle n’aurait pu qu’en avoir la confirmation au travers d’une simple consultation du site du groupe XXX l, lui révélant la fraude commise à son égard, le mensonge sur l’agrément.
Au reste, le soupçon dont elle s’était fait l’écho portait nécessairement sur cet aspect, puisque, en qualité de banque présentatrice, elle détenait les chèques des particuliers, et qu’eux-mêmes n’ont pas été inquiétés par Tracfin.
Elle pouvait également voir, d’emblée, que le chiffre d’affaires s’était accru de façon vertigineuse, en même temps que changeait la nature des opérations portées au crédit, et qu’apparemment, les avoirs des clients transitaient sur le compte de la holding dont ils constituaient la trésorerie, et étaient dépensés. Cela étant, la responsable de l’agence, madame XX , lorsqu’elle fut entendue par le juge d’instruction, a confirmé que les débits du compte de la société XXX-groupe holding n’évoquaient pas la réalisation d’investissements, sauf une fois, pour 100.000 euros en faveur d’une de ses filiales à l’étranger.
Si bien que la Société générale demandait à monsieur XXX en juin 2012, au seul visa du fonctionnement des comptes, pour quelles raisons les fonds confiés par sa clientèle n’étaient pas immédiatement investis ou placés.
Elle sollicitait également toute information sur l’agrément de l’Autorité des marchés financiers.
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Mais, sauf la pérennité de ce nouveau fonctionnement du compte qui s’était fait jour dès décembre 2011, il ne ressort pas des relevés bancaires que le fonctionnement du compte ait été modifié entre le mois de décembre 2011 et le mois de juin 2012, au cours duquel la banque interpella son client, et notamment dans le sens que la Société générale indique, d’une recrudescence en mai-juin 2012 de la remise de ces chèques.
En effet, 102 chèques de personnes physiques pour des montants ronds ont été encaissés sur ce compte en décembre 2011, 10 en janvier 2012, 25 en février, 37 en mars, 40 en avril, les relevés postérieurs au
mois d’avril 2012 n’étant pas produits.
Or, la responsable de l’agence, lors de son audition devant le juge d’instruction, a justifié ses soupçons par les nombreux versements de particuliers de montants ronds, en moyenne de 10.000 euros, qu’elle situe surtout en mai-juin 2012, quand cette situation, qu’elle dénonce précisément, était au contraire parfaitement acquise en décembre 2011.
Ainsi, il n’y a aucun élément significatif qui fasse entendre que la Société générale ait pu différer d’abord ses investigations sur les comptes litigieux, ensuite le refus de son concours à une opération dont le caractère potentiellement illicite ne lui avait pas échappé.
Or, le banquier engage sa responsabilité, envers les tiers, en procédant à des opérations sur un compte dont le fonctionnement présente des anomalies apparentes. Ici, il commet une faute en procédant à l’encaissement de tels chèques dans de telles conditions.
Dès lors, il convient de considérer, au regard de ce qui précède, qu’elle aurait dû, au plus tard dès le mois de février 2012, mettre fin à son concours dans l’encaissement de ces chèques.
En revanche, les demandeurs ne sont pas fondés à alléguer une violation de l’obligation faite au teneur de compte conservateur de séparer, dans les livres du dépositaire auquel il adhère, les avoirs de ses clients et les siens propres, puisque le compte n’est pas un compte titres.
Leur moyen afférent aux règles relatives aux augmentations de capital des sociétés par actions simplifiées n’est qu’une déclinaison des interrogations que la Société générale pouvait avoir sur les opérations litigieuses, et il n’est pas susceptible de décaler le moment de sa réaction, puisqu’il n’est pas établi qu’elle avait pleine connaissance de la nature de ces opérations dès l’origine ou qu’elle aurait dû être alertée par ces opérations avant le mois de décembre 2011.
Ensuite, c’est à tort que les demandeurs évoquent pour fondement de leur action les dispositions des articles L.561-1 et suivants du code monétaire et financier, puisque la violation des impératifs de l’ordre public ne saurait pas faire naître une dette de dommages-intérêts à leur profit.
2) la société Crédit du nord Il s’évince du second rapport établi par Tracfin, le 10 juillet 2013, que la
société XX -groupe avait ouvert deux comptes dans les livres de la société Crédit du nord le 22 janvier puis le 28 mai 2013, que la surholding de groupe, qui aurait été créée en avril 2012 selon le premier rapport, avait ouvert deux comptes approximativement aux mêmes dates, que la société XX patrimoine et assurance avait ouvert un compte le 14 février 2013, que la société XX avait ouvert deux comptes les 22 et 25 janvier 2013, que les sociétés XXX invest-immo IV et V avaient ouvert, la première deux comptes le 14 février, puis le 6 mars 2013, et la seconde un compte à une date indéterminée, tous dans les livres de la société Crédit du nord.
Si le rapport indique que d’autres sociétés du groupe avaient ouvert des comptes dans les livres de la société Bred banque populaire, toujours est-il que chacune de ces sociétés n’avait de compte que dans un seul établissement.
Ces ouvertures étaient faites, pour la société Crédit du nord, dans l’exercice du droit au compte. Le service indique que les sociétés XXX invest-immo IV et V ont connu des augmentations de capital grâce à des souscriptions de particuliers, de 422.000 euros pour la première, de 1.313.955 euros pour la deuxième, de 325.000 euros pour la dernière.
Il précise que ces sommes étaient transférées ensuite sur le compte de la société XXX-groupe, puis sur celui de la sur-holding. Il fait valoir que le compte de cette dernière était débité de sommes semblant étrangères à son objet social : huissier,
avocat, garage, entreprise de bâtiment, voyagistes. Il ajoute qu’il servait aussi au paiement des commissions de cabinets d’investissement de province et du salaire de monsieur XXX
Le service analyse ainsi que 2.060.955 euros ont été collectés sur ces trois comptes issus des fonds de particuliers et qu’ils étaient transférés directement sur le compte de la société XXX groupe holding et il soupçonnait monsieur J.S de poursuivre ses activités illicites en ayant recueilli en moins de 6 mois 2 millions d’euros.
Aucun autre document n’est versé aux débats sur les mouvements des comptes.
Cela étant, la société Crédit du nord, à qui il est reproché de ne s’être pas alarmée d’anomalies similaires à celles qui s’étaient manifestées sur les comptes de la Société générale, n’était pas tenue de s’enquérir de la profession de son client, des produits vendus par lui, ou de s’enquérir d’emblée de la légalité de son activité. Néanmoins, elle verse aux débats l’extrait Kbis et les statuts de la sociétéXX , et des sociétés XXX immo IV et V, parlant essentiellement, pour la première, de conseil pour les affaires, en matière financière, et pour les secondes, d’investissement, de vente et revente dans l’immobilier, de conseil en matière de construction. Comme il a été dit, il ne s’en induit pas l’exercice d’une profession réglementée et ainsi, la nécessité d’un agrément.
D’autant plus que monsieur J.S et les sociétés du groupe XX ont été imposés à la défenderesse dans l’exercice de leur droit au compte, il n’y a pas la démonstration d’une faute lors de l’ouverture des différents comptes dès le mois de janvier 2013.
Ensuite, le principe de non-immixtion du banquier dans les affaires de son client ne cédant que devant la manifestation d’une anomalie l’obligeant à la vigilance, les demandeurs doivent administrer la preuve d’une telle anomalie à un moment donné pour lui imputer une faute dans l’exercice de son obligation.
Il ne suffit pas, pour l’établir, que les comptes aient pu fonctionner comme ceux ouverts dans les livres de la Société générale.
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Or, si le rapport de Tracfin met en exergue que les comptes des trois sociétés XXX , XXX , XXX et V étaient abondés par des souscriptions de particuliers et que ces fonds étaient immédiatement transférés aux sociétés holding du groupe XX, il ne dit pas quels étaient les mouvements d’ensemble desdits comptes, quelle proportion revêtaient ces souscriptions dans ces mouvements, quelle était leur régularité au cours de la période d’environ 6 mois.
L’encaissement de chèques de particuliers figurant des sommes rondes, pour des montants d’un total certes conséquent, mais qui ne peut pas se comparer au chiffre d’affaires et aux autres flux, ne saurait suffire même en présence d’une remontée immédiate de ces sommes dans les comptes des deux holdings, où elles semblaient en partie dépensées.
Par ailleurs, les investisseurs estiment que la société Crédit du nord aurait dû constater que les augmentations de capital de sociétés par actions simplifiées n’étaient pas légales puisque empêchées par principe par les dispositions de l’article L.227-2 du code de commerce.
Cependant, outre que cet article les autorise sous conditions, pour les professionnels ou assimilés au sens de la réglementation financière ou lorsque ces émissions sont placées auprès d’un cercle restreint
d’investisseurs agissant pour compte propre, il n’en demeure pas moins que les demandeurs, qui identifient l’augmentation à l’anomalie, ne spécifient pas comment le teneur de compte, soumis au devoir de ne pas s’immiscer dans les affaires de son client, pouvait se convaincre de
l’existence de telles augmentations de capital dont il n’avait pas à s’enquérir sauf anomalie apparente.
Par ailleurs, comme il a déjà été indiqué, les demandeurs ne sont pas fondés à alléguer une violation de l’obligation faite au teneur de compte conservateur de séparer, dans les livres du dépositaire auquel il
adhère, les avoirs de ses clients et les siens propres, puisque le compte n’est pas un compte de titres.
Ils ne sauraient pas faire valoir la violation des impératifs de l’ordre public qui ne peut pas faire naître une dette de dommages-intérêts à leur profit.
Dès lors, les demandeurs échouent dans leur démonstration d’une faute par imprudence ou par négligence de la société Crédit du nord dans l’ouverture et le fonctionnement des comptes des sociétés du groupe XX.
Leurs prétentions dirigées contre la société Crédit du nord doivent être rejetées.
B – le préjudice et le lien
Les investisseurs, qui soulignent n’avoir pas été indemnisés dans le procès pénal de monsieur « R.S » qui a été reporté, sollicitent, pour chacun d’entre eux, l’indemnisation de la perte en capital des sommes confiées aux sociétés du groupe XXX, ainsi que de la perte du rendement annoncé qui leur a échappé, soit le doublement du capital investi, ainsi que la réparation de leur préjudice moral.
Ils font le lien entre la faute et le dommage par la nécessaire contribution des établissements teneurs de comptes au système de cavalerie institué, conduisant à l’appel public à l’épargne et au déboursement de dividendes fictifs, et précisent qu’ainsi la défaillance des banques permit l’encaissement des chèques des victimes. Ils soulignent que l’instruction a révélé que la Société générale a détenu seule les comptes du groupe XX ce qui permit à l’escroquerie de prospérer, et qu’il ne pouvait en être autrement, au regard de l’exercice par monsieur « R.S » interdit bancaire, de son droit à un compte. Ils notent qu’au reste les banques détiennent les éléments établissant que leurs effets ont été encaissés dans leurs livres et qu’elles doivent les produire.
Ils concluent qu’un chèque encaissé lors de la première période l’a forcément été dans les livres de la Société générale. Ils précisent avoir réparti, selon la date de l’investissement ou de l’encaissement, leurs demandes dirigées vers l’une ou l’autre des deux banques, et à titre subsidiaire, avoir réclamé leur condamnation in solidum à réparer le dommage subi par tous à raison de leur inertie fautive.
” Les détournements ont continué
jusqu’en septembre 2013″
La Société générale relève que le dommage n’est pas justifié, notamment dans ses dimensions morale et rémunératoire, cette dernière d’ailleurs divergeant selon les placements.
Elle dénie que la preuve soit faite que chacun des versements ayant abondé les sociétés du groupe XXX aurait pu être empêché en l’absence des manquements qui lui sont reprochés. Elle note ainsi qu’après qu’elle a clôturé les comptes et qu’eurent lieu des saisies pénales, les détournements ont continué jusqu’en septembre 2013. Elle dénonce la possibilité d’une solidarité passive entre établissements bancaires alors qu’ils n’ont pas tenu les comptes du groupe XXX en même temps et que les versements des investisseurs n’ont pu abonder les comptes que de l’un seul de ces établissements.
Parce que la faute est d’avoir continué à encaisser les chèques des particuliers sur les comptes des sociétés du groupe XXX après la manifestation d’anomalies évoquant avec suffisance un préjudice à leur détriment, les demandeurs ne peuvent pas se prévaloir en général des moyens qu’aurait conféré à monsieur « R.S » l’usage de ses comptes hébergés à la Société générale, pour dire que cet établissement aurait permis à la fraude de s’arrimer et que là se trouverait la cause de leur dommage. Au contraire, il est acquis aux débats qu’après leur clôture, monsieur « R.S » ouvrit d’autres comptes dans d’autres établissements financiers et qu’il continua à recevoir d’autres chèques de particuliers si bien que Tracfin rédigea un rapport complémentaire en juillet 2013.
Il s’en déduit que le fonctionnement de ce compte, précisément dans cette banque, n’a de lien qu’avec le dommage de ceux ayant déposé leur chèque auprès d’elle. Les demandeurs doivent ainsi faire la démonstration, comme le relève la défenderesse, de l’encaissement de leur chèque dans ses livres.
Mais pour autant cet encaissement ne saurait dériver de la seule date de leur investissement, réalisé entre le mois de février et le mois d’octobre 2012, date de la clôture du compte, ou le mois de juillet 2012, date où il apparaît avoir été bloqué, quoique la preuve n’en soit pas distinctement rapportée.
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Il est au contraire acquis aux débats que monsieur « R.S » ou ses sociétés ont ouvert ensuite d’autres comptes dans divers établissements, la société LCL – le crédit lyonnais du 12 juillet 2012 au mois de septembre suivant selon l’ordonnance de renvoi et le rapport Tracfin, la société XX , en septembre 2012 vu ses conclusions de partie civile dans le volet pénal. Par ailleurs, le rapport de Tracfin, en juin 2012 suggère que la société XXX -groupe avait un compte au Royaume Uni sur lequel était opéré un virement en mai 2012, ce que confirmaient les investigations du juge d’instruction, selon son ordonnance.
Parce que madame XX et les autres prétendent que la défenderesse serait débitrice à leur égard d’une dette de dommages intérêts, il leur appartient de faire la démonstration de ce lien qui fonde
leur droit, et ils ne peuvent investir leur colitigant de l’obligation d’avoir à prouver au motif qu’elle détient les relevés de comptes et donc les éléments de cette preuve, d’ailleurs couverts par le secret bancaire. En effet, il ne saurait pas y avoir une présomption de préjudice.
Pour autant, ils ne sauraient faire la preuve, comme le suggère la Société générale, que sans les fautes de la défenderesse, le dommage ne se serait pas produit, cette preuve négative étant impossible à administrer.
Ce faisant, il ressort de l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction, dont les termes ne sont pas querellés, que tant le tribunal de commerce, qui a liquidé les sociétés du groupe XX , le liquidateur désigné à cette occasion ou l’administration fiscale, qui a effectué plusieurs redressements en juillet 2014, ont relevé que les sociétés du groupe XX n’avaient pas d’activité économique réelle, et qu’aucun investissement physique ou matériel n’avait jamais été réalisé.
Le juge d’instruction, qui a effectué des investigations précises sur la nature des investissements compris à l’étranger au travers de commissions rogatoires et qui les détaille chacun, conclut d’ailleurs que les « prétendus investissements réalisés au regard des 20 millions d’euros collectés peuvent être qualifiés de fictifs et les rares réalisations en disproportion totale avec les sommes
collectées et les objectifs de rendement promis »
S’il est vrai que plus de 10 millions d’euros ont été saisis sur les comptes bancaires ouverts par monsieur « R.S » ou ses sociétés, le juge d’instruction rapporte que 3,288 millions d’euros ont été restitués et il fait état d’une créance fiscale dépassant le solde restant saisi.
Dès lors que les sociétés, considérées par les acteurs de la liquidation sans activité réelle, sont liquidées, que les soldes des comptes sont séquestrés, et que le fonctionnement de ces comptes montre que les apports en numéraire constituaient en réalité le chiffre d’affaires, il s’en déduit que les actifs de ces sociétés, qui n’avaient pas investi, n’étaient constitués que de cette trésorerie, dont le montant est inférieur à la dette fiscale, et qu’ainsi les investisseurs ne peuvent pas prétendre obtenir la restitution de leurs fonds, ni en leur qualité d’actionnaire, sous la forme d’un boni, ni en leur qualité de cocontractant de ces sociétés au titre d’un autre produit d’investissement, à supposer que le contrat leur donne ce droit.
En tout état de cause, il n’est pas précisément disputé que ces investissements étaient sans sous-jacent économique, et qu’ils étaient en réalité dépourvus d’objet.
En conséquence, il convient de présumer que les fonds ont été perdus suite à leur encaissement, du moment qu’ils ne pourront pas être restitués et que la Société générale ne discute pas, selon les produits d’investissement, la nécessité de cette restitution.
Parce que les fonds ne pourront pas être représentés, il ne saurait pas y avoir seulement privation d’une chance de ne pas voir les fonds dissipés, le risque s’étant réalisé. Par ailleurs, la Société générale ne fait pas la preuve que les investisseurs aient été déjà indemnisés à l’occasion du procès pénal.
En conséquence de quoi, elle sera tenue d’indemniser les investisseurs qui administrent la preuve du contrat passé avec l’une des sociétés du groupe XX et dont le chèque a été encaissé dans ses livres après le 1er février 2012, la preuve de cet encaissement étant rapportée soit par les mentions portées sur le verso du chèque, soit par la détention du chèque par la Société générale ayant agi comme présentatrice, soit par les tableaux établis par Tracfin à l’occasion de son enquête, qui précisent les noms, les prénoms et les montants, dont la sincérité et la portée ne sont pas spécialement critiquées par la Société générale qui a accès aux pièces de l’instruction, et la preuve de la date de l’encaissement étant rapportée soit par les mentions portées sur le verso du chèque, soit par le relevé du compte à vue de l’investisseur, soit par la présomption d’un encaissement postérieur à la date du contrat souscrit avec l’une des sociétés du groupe XXX et portée sur le recto du chèque.
Spécifiquement, la Société générale relève que monsieur « XX », qui plaçait les produits frauduleux du groupe XX , est renvoyé devant le tribunal correctionnel pour exercice illégal de la profession de conseiller en investissement financier et fourniture illégale de prestations de service d’investissement, en sorte qu’ayant participé aux faits infractionnels, il ne saurait pas en être indemnisé des conséquences, faute d’une erreur légitime, à raison de sa turpitude ou pour être la cause de son dommage, ce à quoi ce dernier réplique n’être pas renvoyé du chef d’escroquerie et avoir investi son épargne personnelle dans l’affaire dont il ne connaissait pas la vraie nature.
Par ordonnance du 2 février 2018, le juge d’instruction a renvoyé l’intéressé pour des faits d’exercice illégal de la profession de conseiller en investissements financiers et de fourniture illégale de services d’investissement à des tiers à titre de profession habituelle d’octobre 2011
au 13 janvier 2012 , et notamment en faisant souscrire des titres financiers au public sous couvert de différentes sociétés du groupe XXX.
Cela étant, monsieur XXX exerçait en qualité de conseil en gestion de patrimoine depuis 2008 et a reconnu, devant le juge d’instruction, avoir proposé sans la qualité requise les produits du groupe XXX d’octobre à décembre 2011. Le 13 janvier 2012, il obtenait la qualité de conseiller en investissements financiers, via l’un des cabinets pour lequel il opérait, et pour laquelle il détenait déjà l’ensemble des qualifications. LEGAL- SCOPE
L’instruction révélait au reste que sur les 397.000 euros qu’il avait contribué à recueillir, 105.000 euros avaient été apportés sur ses fonds ou ceux de ses proches. Il avait précisé croire dans le produit à raison de l’engagement de la Société générale et des potentialités de l’effet de levier basé sur le crédit.
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Etant précisé que la Société générale relève seulement, pour lui dénier un droit de créance, son renvoi devant le tribunal correctionnel, il convient de relever que l’infraction qui lui est reprochée n’a pas de lien direct avec la perte des fonds investis, puisqu’elle ne concerne que le défaut de sa qualité professionnelle d’octobre 2011 à janvier 2012.
Au reste, rien ne corrobore l’assertion de la défenderesse qu’il n’a pu ignorer l’escroquerie, et elle est démentie par l’engagement de ses fonds personnels et de ceux de sa famille dans l’affaire.
Il ne peut être tiré non plus du défaut de sa qualité de conseiller en investissements financiers durant un trimestre qu’il ait été la cause exclusive de son dommage, alors que les produits litigieux étaient commercialisés par d’autres.
Sur ces bases-là, seront indemnisés les demandeurs suivants à concurrence des sommes portées au tableau ci-dessous représentant le montant réellement payé, pour leurs investissements faits au cours de la période susdite.
En revanche, le manque à gagner sur le rendement attendu des investissements ne saurait pas constituer un dommage en lien avec la faute consistant à avoir encaissé les chèques au lieu de les rejeter. En plus, ce rendement, à suivre les développements non querellés du juge d’instruction était fictif, ce pourquoi sa réclamation n’est jamais légitime.
Cela étant, les sommes allouées à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel seront augmentées des intérêts au taux légal dès le jugement, conformément à l’article 1231-7 du code civil.
En revanche, les demandeurs ne sauraient pas exciper d’un préjudice moral, que n’induisent pas les faits en la cause.
Enfin, il ne peut être fait droit à la demande subsidiaire de voir indemniser les autres demandeurs par la Société générale et la société Crédit du nord, in solidum, du moment que la responsabilité de cette dernière n’est pas engagée.
III – sur les autres demandes
L’exécution provisoire, compatible avec la nature financière du litige et que commande son ancienneté, sera ordonnée.
La Société générale, qui succombe, sera tenue des dépens, qui seront distraits ainsi qu’il est disposé.
Voir aussi : qui sont les meilleurs avocats propriete Intellectuelle ?
Il suit de cela qu’elle devra payer aux demandeurs indemnisés 1.000 euros chacun ou, selon le cas, par foyer, au titre des frais irrépétibles. Il n’y a lieu pour le surplus à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et publiquement, par mise à disposition au greffe :
DIT recevables les interventions volontaires de r XXX,
DIT irrecevables les actions de madame XXX faute d’intérêt à agir ;
REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société anonyme Société générale tirée de la prescription ;
DIT recevables le surplus des demandes ;
CONDAMNE la société anonyme Société générale à payer aux demandeurs listés au tableau ci-dessous les sommes inscrites dans la 3ème colonne de droite, à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice financierL LEGAL-SCOPE
Voir aussi : l’INPI devient l’opérateur du Guichet unique des formalités d’entreprises